Fable VII, Livre II.
Toi qui te dis mon camarade,
Devrais-je ici te rencontrer,
Bonnet ridicule et maussade?
Le jour, peux-tu bien te montrer,
Si ce n’est au front d’un malade?
Quel espoir te retient céans?
De l’indolence épais emblème,
Te crois-tu chez ces fainéants
Qui te ceignaient pour diadème?
Va, le prince à qui j’appartiens
Porte autrement qu’eux la couronne.
Vois tout l’éclat qui m’environne,
C’est de lui seul que je le tiens.
Actif dans la paix, dans la guerre,
Ce roi ne se repose guère ;
S’il me permet quelque repos,
C’est lorsque, des mains de la Gloire,
II prend le casque des héros
Ou le laurier de la Victoire.
Mais le bonnet, jusqu’à ce jour,
Vit-il jamais venir son tour?
Pourquoi donc sort-il de l’armoire?
Crois-moi, si tu crains les railleurs,
À la cour grand en est le nombre,
Crois-moi, rentre au plus tôt dans l’ombre,
Ou va chercher fortune ailleurs.
– C’est ici que je dois l’attendre.
Répond humblement le bonnet ;
Et je puis vous le prouver net,
Si vous consentez à m’entendre.
Partout où le trône est placé,
De droit vous vous dites admise ;
Eh bien! moi, je me crois de mise
Partout où le lit est dressé.
N’en est-il en cette demeure?
Nature y perd-elle ses droits?
Ou, par bonheur, les yeux des rois
Seraient-ils ouverts à toute heure?
Quand vient minuit, nous le voyons,
Votre noble poids les chagrine,
Et l’on dirait que quelque épine
Les tourmente sous vos rayons.
Mon règne alors succède au vôtre :
Le front de toute majesté
Qui veut dormir en liberté
Doit être coiffé comme un autre.
Et puis, mais soit dit entre nous,
N’est-il pas d’autres soins plus doux
Qui font quitter la compagnie
Et l’habit de cérémonie?
À moi la nuit, à vous le jour :
Oui, bien que votre orgueil en gronde,
Mon crédit, même ici, se fonde
Sur les premiers besoins du monde :
Sur le sommeil et sur l’amour.