Quand nous saurons bien tous que nous sommes des frères,
Quand l’amour coulera dans le sang de nos cœurs ;
Debout sur les engins des haines et des guerres,
Quand vainqueurs et vaincus s’embrasseront, vainqueurs ;
Quand, reniant le trône, un roi dira : » J’abdique!
J’abdique les hauteurs… je dois régner d’en bas! »
Quand on aura compris la sainte République,
Quand les peuples n’auront ni prêtres ni soldats!
Quand on ne verra plus sous les splendeurs célestes
Le théâtre forain, l’auberge aux toits branlants ;
Quand les forts et les grands n’auront plus sur leurs vestes
Les tatouages d’or des bouffons ambulants!
Quand l’homme bénira Dieu, créateur des mondes,
Ou dira : » Je ne puis monter jusqu’à la foi!
Ô Dieu qui t’es voilé de ténèbres profondes,
Laisse-moi seul! je vais, sans plus songer à toi! «
Quand les foules, bien haut par l’Esprit emportées,
Jetteront dans l’oubli l’inutile douleur,
Quand douteurs et croyants, et sublimes athées
Éclairciront les nuits de l’esprit par le cœur!
Quand la science et l’art par leurs portes divines
Montreront l’inconnu : la Vie ou le Néant!
Quand tous les cœurs auront dans toutes les poitrines
La régularité des flux de l’Océan!
Quand nous marcherons tous dans la même pensée,
Cherchant un seul but, même en des chemins divers ;
Quand vers ce but sera sans relâche fixée
Toute la volonté ferme de l’Univers!
Alors viendra la Paix, la grande Nourricière!
Alors plus de patrie! un seul peuple de dieux!
L’Égalité luira vivante sur la terre!
La Liberté vivra splendide sous les cieux!