D’ou venez-vous, couple triste et charmant?
Rien parmi nous ne vous appelle encore ;
Les jours d’avril n’ont qu’une pâle aurore,
Et nul abri pour l’amoureux tourment ;
Les blés frileux cachant leurs fronts timides,
Comme les fleurs, tremblent au veut du nord ;
Le lierre seul couvre les murs humides ;
Et l’hirondelle est toujours loin du port.
Vous deux, chassés par le malheur sans doute,
Et consolés du malheur par l’amour,
Pour échapper à quelque noir vautour,
De l’Orient vous avez fui la route.
Au toit prochain, je vous entends gémir ;
Ah! vous souffrez je ne sais plus dormir!
Des vrais amans doux et discrets modèles,
J’ai vos douleurs; que n’ai-je aussi vos ailes!
Je volerais sur votre humble rempart ;
Tristes ramiers, j’irais, triste moi-même,
En souvenir d’un malheureux que j’aime,
Du peu que j’ai vous offrir une part.
Il erre seul et vous errez ensemble!
Dans vos baisers que votre exil est doux!
Le même sort vous frappe et vous rassemble ;
Oh! que d’amants sont moins heureux que vous!
Venez tous deux, venez sur ma fenêtre
De votre soif étancher les ardeurs ;
Des cieux dorés, où l’amour vous fit naître,
Au toit du pauvre oubliez les splendeurs.
Que l’un de vous se hasarde à descendre ;
Le plus hardi doit guider le plus tendre ;
D’un cœur qui bat d’amour et de frayeur,
Pour un moment qu’il détache son cœur.
Voici du grain, voici de l’eau limpide,
Humble secours par mes mains répandu ;
Il soutiendra votre destin timide,
Si tout un jour vous l’avez attendu!
Ainsi, mon Dieu, sur la route lointaine,
Semez vos dons à mon cher voyageur!
Ne souffrez pas que quelque voix hautaine
Sur son front pur appelle la rougeur.
Que ma prière en tout lieu le devance ;
Dieu! que pas un ne le nomme étranger!
Aidez son cœur à porter notre absence,
Et que parfois le temps lui soit léger!