Tenez! fit le soulard à bonnet de coton,
Allumant ses yeux ronds dans sa figure en poire,
J’ai connu plus buveur que moi. Voilà l’histoire
De celui qu’on app’lait l’maître ivrogn’ du canton :
» Puisque ma femme est mort’, moi j’suis, dit l’pèr’ Baraille,
Excusab’ en bonn’ vérité,
Si, c’te malheureus’ fois, encor ben plus j’déraille
D’la lign’ de la sobriété! «
On change la défunte? i’ va boire! – on la veille?
D’temps en temps i’ s’en vers’ deux doigts.
L’cercueil arrive et l’trouve à sucer la bouteille :
Pendant l’ensev’lis’ment? i’ boit!
Dans l’chemin, à l’église, et jusque dans l’cimetière,
I’ tèt’ sa fiol’ d’eau-d’-vie! Enfin, v’là donc q’la bière
Est ben douc’ment glissée où doit descend’ chacun :
L’ivrog’ gémit, et comm’ le fossoyeur qui s’gausse
Lui dit : » Tant d’regrets q’ça? fourrez-vous dans sa fosse!
Ça m’coût’ pas plus d’en couvrir deux q’d’en couvrir un! »
Lui, répond, grimacier, larmochant rigolo :
» Non! après tout, j’veux viv’ pour la pleurer… j’préfère!
Et j’vous jur’ que mes larm’ ça s’ra ben la seule eau
Que j’mettrai jamais dans mon verre! «