Déjà la rapide journée
Fait place aux heures du sommeil,
Et du dernier fils de Vannée
S’est enfui le dernier soleil.
Près du foyer, seule, inactive,
Livrée aux souvenirs puissants,
Ma pensée erre, fugitive,
Des jours passés aux jours présents.
Ma vue, au hasard arrêtée,
Longtemps de la flamme agitée
Suit les caprices éclatants,
Ou s’attache à l’acier mobile
Qui compte sur l’émail fragile
Les pas silencieux du temps.
Un pas encore, encore une heure,
Et l’année aura sans retour
Atteint sa dernière demeure ;
L’aiguille aura fini son tour.
Pourquoi, de mon regard avide,
La poursuivre ainsi tristement,
Quand je ne puis d’un seul moment
Retarder sa marche rapide?
Du temps qui vient de s’écouler,
Si quelques jours pouvaient renaître,
II n’en est pas un seul, peut-être,
Que ma voix daignât rappeler!
Mais des ans la fuite m’étonne ;
Leurs adieux oppressent mon cœur ;
Je dis : C’est encore une fleur
Que l’âge enlève à ma couronne,
Et livre au torrent destructeur ;
C’est une ombre ajoutée à l’ombre
Qui déjà s’étend sur mes jours ;
Un printemps retranché du nombre
De ceux dont je verrai le cours!
Écoutons!… Le timbre sonore
Lentement frémit douze fois ;
Il se tait… Je l’écoute encore,
Et l’année expire à sa voix.
C’en est fait ; en vain je l’appelle,
Adieu!… Salut, sa sœur nouvelle,
Salut! Quels dons chargent ta main?
Quel bien nous apporte ton aile?
Quels beaux jours dorment dans ton sein?
Que dis-je! à mon âme tremblante
Ne révèle point tes secrets :
D’espoir, de jeunesse, d’attraits,
Aujourd’hui tu parais brillante ;
Et ta course insensible et lente
Peut-être amène les regrets!
Ainsi chaque soleil se lève
Témoin de nos vœux insensés ;
Ainsi toujours son cours s’achève,
En entraînant comme un vain rêve,
Nos vœux déçus et dispersés.
Mais l’espérance fantastique,
Répandant sa clarté magique
Dans la nuit du sombre avenir,
Nous guide d’année en année,
Jusqu’à l’aurore fortunée
Du jour qui ne doit pas finir.