Du creux de la montagne où Dieu l’avait cachée,
Une fleur est tombée, et je bénis la main
Qui, recueillant sa tige à demi détachée,
Devant vos pas, ami, l’apporte de si loin.
Vous savez maintenant où croît le saint dictame
Qui parfume la vie et rend l’homme meilleur ;
Maintenant, goutte à goutte, il coule sur votre âme,
Et pour vous désormais il n’est plus de douleur.
Moi, je cheminais seul dans mon sentier plus rude ;
Vous m’avez fait un signe et je suis accouru,
Et vous m’avez mené dans votre solitude,
Et j’ai compris alors ce bonheur inconnu :
Cette sérénité de deux amés choisies
Qui de leur seul amour se font leur univers,
Et se baignent aux flots des saintes poésies,
Croyances, Dieu, beauté, nature, cieux et mers.
Mais jamais devant tous ne laissez se répandre
Cet hymne impatient de la félicité ;
Une jalouse oreille, hélas! pourrait l’entendre,
Et le chant des heureux n’est que trop écouté.
Gardez que nul soupir ne trahisse l’ombrage
Où s’abrite en secret votre rêve charmant.
Ce monde n’est pas bon, et son humeur sauvage
Au bonheur qui le fuit pardonne rarement.
Lorsque le fer jaloux qui frappe les vieux chênes
Livre au jour tout-à-coup le mystère des bois,
L’oiseau qui se berçait au doux bruit des fontaines
S’envole de la mousse avec sa douce voix.
Ainsi fuit le bonheur que son aile rapide
Emporte sans retour sur quelque bord nouveau,
Et qui jamais deux fois, oiseau fier et timide,
Ne rebâtit son nid sur le même rameau.