L’automne a ses heures oisives
Pleines des choses d’autrefois,
Les yeux ont des larmes furtives
Qu’ils n’osent confier qu’aux bois.
Là, chaque plume que l’orage
Détache du nid de l’oiseau
M’apporte un rêve du jeune âge,
Un souvenir de mon berceau.
Dans chaque feuille qui murmure.
J’entends un nom des anciens jours,
Et chaque voix de la nature
Me parle des premiers amours.
C’est alors que vient en silence
Poser sa main entre mes mains
La jeune fille dont l’enfance
Eut ses beaux jours si près des miens.
Son ombre me sourit plus belle
Plus ravissante que jamais,
Et cependant est-ce bien elle,
Est-ce bien elle que j’aimais?
Ce que j’aimais, ô jeune fille,
C’était, avec son doux loisir,
Ce vieux foyer de la famille
Où chacun s’en revient mourir.
C’était la table hospitalière
Qui nous rassemblait chaque soir ;
Hélas! à l’appel de ma mère
Tous ne reviendront plus s’asseoir…
C’était l’air pur de nos bruyères,
C’étaient, au flanc de nos coteaux,
Les prés déroulés solitaires
Entre les bois et les ruisseaux ;
C’était quelque chanson encore
Le long des murs du vieux couvent
Se prêtant, plaintive ou sonore,
Au flot capricieux du vent ;
C’était l’aurore sur nos mousses
Versant son reflet virginal,
Les jours plus frais, les nuits plus douces,
C’était tout le pays natal ;
C’était ma jeunesse ravie
A mille songes éclatants,
Que sais-je, enfin? C’était la vie
Vue à travers mes dix-sept ans.
Cependant on dit qu’il existe
Un autre amour au fond des cœurs,
Un amour qui fait l’âme triste
Comme celle des voyageurs.
Ce qu’ils rapportèrent d’images
Des bords de l’Orient vermeil,
Hélas! des maternelles plages
Leur désenchante le soleil.
A leur âme mélancolique
Il faut désormais l’ouragan,
Et les grands bois de l’Amérique
Et les grands flots de l’Océan.