Muse, réveille-toi, voici les fleurs écloses!
C’est la saison des chants, c’est la saison des roses :
Je souffre à t’entendre parfois
Te plaindre à mon foyer, amante délaissée,
Quand l’étude sévère égare ma pensée
Parmi les peuples et les rois.
J’ai besoin de te voir en la nuit où nous sommes
Et d’apprendre de toi comme on redit aux hommes
Ce que le cœur gémit tout bas ;
Oh! ne m’accuse pas d’une absence infidèle :
Lorsque le froid hiver mugit, la sentinelle
Marche encore, mais ne chante pas.
Chantons, puisqu’ici-bas toute lyre fidèle
Entre la terre et Dieu n’est qu’une sentinelle,
Chantons, l’hiver s’en va finir ;
Ainsi, pour saluer les heures qu’elle implore,
La vierge dans la nuit s’éveille et dès l’aurore
Sourit au jour qui va venir.
Chantons, dût, au réveil de nos rêves magiques,
Quand nous raconterons nos courses poétiques
A ceux dont les yeux sont fermés,
La foule avec dédain montrer notre couronne :
Si le baume est plus doux c’est quand le vent d’automne
Brise ses rameaux parfumés.
Le Barde a-t-il besoin d’une longue mémoire?
Devant les nations marcher, voilà sa gloire,
Consoler, sa félicité!
La rose que le vent effeuille dans l’espace
Va-t-elle demander à l’ouragan qui passe
S’il sait qu’elle ait jamais été?
Le vaisseau que les flots brisent contre la plage
S’informe-t-il auprès des rochers du rivage
Si les mers ont gardé le pli?
Non : la rose a jeté ses parfums à la plaine,
Le navire a touché quelque rive lointaine…
Et voilà leur sort accompli!