J’ai croisé sur la route où je vais dans la vie
La Mort qui cheminait avec la Volupté,
L’une pour arme ayant sa faux inassouvie,
L’autre, sa nudité.
Voyageur qui se traîne, ivre de lassitude,
Cherchant en vain des yeux une borne où s’asseoir,
Je me trouvais alors dans une solitude
Aux approches du soir.
Tout à coup, comme à l’heure où le vent y circule,
L’herbe haute a frémi sur le bord du fossé,
Et, près de moi, sortant soudain du crépuscule,
Les deux sœurs ont passé.
Poursuivant sans répit leur marche vagabonde,
Des régions de l’ombre aux rives du matin
Elles portaient ainsi leurs œuvres par le monde,
Servantes du Destin.
D’un sourire cruel m’ayant cloué sur place,
Je les voyais déjà décroître à l’horizon
Que j’éprouvais encore, plein de flamme et de glace,
Un horrible frisson.
La dernière alouette a crié dans les chaumes ;
Et j’ai repris, d’un œil craintif tâtant la nuit,
Le chemin où, parmi les pas des deux fantômes,
L’Inconnu me conduit.