J’ai reparu sur la colline
Dans un nuage aux franges d’or,
Je suis la beauté qui décline ;
Mais, à mes charmes, on devine
Que les cœurs me suivent encore!
Ce n’est plus la fraîche auréole,
Ce n’est plus l’éclat des grands jours ;
C’est la pâleur, déjà plus molle,
D’un front qui se penche et s’isole,
Au souvenir de ses amours.
Adieu les grâces qu’on déploie,
Les beaux romans faits à loisir ;
Adieu l’extase, adieu la joie
D’un cœur qui s’arrête ou se noie
Au bord des coupes du plaisir!
Ah! Cet adieu, quand je le chante
Un feu nouveau brûle mon sein :
La voix du passé, provocante,
M’irrite, et je suis la bacchante
Qui part pour le coteau voisin.
Vendangeurs, tendez vos corbeilles ;
Vigneron, retourne au pressoir!
Sous la dépouille de vos treilles,
J’arrive, et mes jambes vermeilles
Chancellent au souffle du soir.
Évohé! Les défis sans nombre
Se mêlent au chant des buveurs,
Dérobons-nous dans le bois sombre :
Les fruits tardifs, cueillis dans l’ombre,
Ont encore d’étranges saveurs!
L’aurore écartera l’ivresse :
Écuyer, selle mon cheval!
Que la meute à ma voix se presse ;
Je suis l’Automne chasseresse
Qui parcourt la plaine et le val.
Je vais, je viens, fière et meurtrie ;
Puis, enfin, lasse à mon retour,
Je me replonge en rêverie,
Sur ce lit de feuille flétrie
Qui s’amasse au pied de ma tour!
Et maintenant, murmure et pleure,
Vent précurseur des mois glacés.
Je sais une chanson meilleure ;
Et je l’entonne, quand vient l’heure,
En souvenir des jours passés!
J’ai reparu sur la colline
Dans un nuage aux franges d’or,
Je suis la beauté qui décline ;
Mais, à mes charmes, on devine
Que les cœurs me suivent encore!