Le bon ermite

 » Ermite, votre chapelle
S’ouvre-t-elle au malheureux?
Hélas! elle me rappelle
Un temps cher et douloureux!
C’est moi… de votre colère
Les éclats sont superflus ;
Un autre que vous m’éclaire :
Mon père, il ne m’aime plus!

Cette jeune infortunée
Que voua maudites un jour,
Qui, devant vous prosternée,
Osa défendre l’amour,
C’est moi, faible pénitente
Dans tous mes vœux confondus.
Que votre âme soit contente :
Mon père, il ne m’aime plus!

Ne dites plus, ô mon père,
Que le ciel va me punir ;
L’amour, comme vous sévère,
A daigné le prévenir :
Ce guide ingrat que j’adore
Fuit mes pas qu’il a perdus.
Qui peut me punir encore?
Mon père, il ne m’aime plus!

Le monde n’a point d’asile
Qui soit doux au repentir :
Hé bien! rendez-moi facile
Un chemin pour en sortir.
Me faudra-t-il, dans l’orage,
Traîner mes jours abattus?
Je n’en ai pas le courage :
Mon père, il ne m’aime plus!

De cette croix où je pleure
N’exilez pas mes aveux,
Et vous saurez tout à l’heure,
Ermite, ce que je veux :
Quelques pleurs, un peu de cendre,
Sur ma tombe répandus…
Ah! qu’il m’est doux d’y descendre :
Mon père, il ne m’aime plus! « 

A peine une faible aurore
Passait sur les jeunes fleurs,
Que le bon ermite encore
Versait la cendre et les pleurs.
Longtemps cet objet trop tendre
Troubla ses songes confus ;
Et, triste, il croyait entendre :
 » Mon père, il ne m’aime plus! « 


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Verset Le bon ermite - Marceline Desbordes-Valmore