T’ai-je vu chez mon père,
Dans l’âge où tout est beau,
Comme je dois, j’espère,
Te voir près du tombeau?
Sur les bords de ma vie
Vins-tu voir après moi?
Oui, quelqu’un m’a suivie,
Et je crois que c’est toi!
Quand tout semble un hommage
A nos yeux entr’ouverts,
Ai-je vu ton image
Peinte sur l’univers?
Et toi, sous une flamme
Dont le ciel t’éclairait,
Dans le fond de ton âme
Cachais-tu mon portrait?
Aimais-tu l’humble école
Où j’allais autrefois?
L’ange, qui la console,
Parlait-il dans ta voix?
Et, quand j’appris à lire
Ma prière à genoux,
Vins-tu m’aider à dire :
» Mon Dieu, bénissez-nous! «
A l’étroite fenêtre,
Où riait un jasmin,
Quand je n’osais paraître,
Elevais-tu ta main?
Oui! la même ombre encore
Glissait dans le soleil,
Et jusqu’à l’autre aurore
Passait sur mon sommeil!
Dans l’enclos plein d’ombrage,
Où j’avais frais et peur,
Plaçais-tu ton courage
Entre l’ombre et mon cœur?
Pour causer sans médire,
Y venais-tu t’asseoir,
Et, sans pouvoir sourire,
Nous disions-nous : » Bonsoir! «
T’ai-je aimé la première,
Lorsque ta main s’ouvrit
Au pauvre sans chaumière,
Dont la flûte pleurait?
Le demandeur d’aumône
A-t-il béni nos jours?
Et devant sa Madone
Avons-nous dit : » Toujours! «
T’ai-je conté mes peines,
Quand je crus en avoir?
Un jour… triste à nos plaines,
M’as-tu dit : » Au revoir! »
Pour un âge plus tendre
M’as-tu promis des fleurs?
Sais-tu qu’à les attendre
J’ai versé bien des pleurs?
Sais-tu que le ciel même
T’ouvrit notre maison?
Et que ton nom que j’aime
Se trouve dans mon nom?
Mais à ma confidence
N’as-tu pas répondu?
Oui! jusqu’en ton silence,
Je l’ai tout entendu!