Le coin de l’amitié

L’Amour, l’Hymen, l’Intérêt, la Folie,
Aux quatre coins se disputent nos jours.
L’Amitié vient compléter la partie,
Mais qu’on lui fait de mauvais tours!
Lorsqu’aux plaisirs l’âme se livre entière,
Notre raison ne brille qu’à moitié,
Et la Folie attaque la première
Le coin de l’Amitié.

Puis vient l’Amour, joueur malin et traître,
Qui de tromper éprouve le besoin.
En tricherie on le dit passé maître ;
Pauvre Amitié gare à ton coin!
Ce dieu jaloux, dès qu’il voit qu’on l’adore,
A tout soumettre aspire sans pitié.
Vous cédez tout ; il veut avoir encore
Le coin de l’Amitié.

L’Hymen arrive : Oh, combien on le fête!
L’Amitié seule apprête ses atours.
Mais dans les soins qu’il vient nous mettre en tête
Il nous renferme pour toujours.
Ce dieu, chez lui, calculant à toute heure,
Y laisse enfin l’Intérêt prendre pied,
Et trop souvent lui donne pour demeure
Le coin de l’Amitié.

Auprès de toi nous ne craignons, ma chère,
Ni l’Intérêt, ni les folles erreurs.
Mais, aujourd’hui, que l’Hymen et son frère,
Inspirent de crainte à nos cœurs!
Dans plus d’un coin, où de fleurs ils se parent,
Pour ton bonheur qu’ils règnent de moitié ;
Mais que jamais, jamais ils ne s’emparent
Du coin de l’Amitié.


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Verset Le coin de l’amitié - Pierre-Jean de Béranger