La voie lactée

Aux étoiles j’ai dit un soir :
 » Vous ne paraissez pas heureuses ;
Vos lueurs, dans l’infini noir,
Ont des tendresses douloureuses ;

 » Et je crois voir au firmament
Un deuil blanc mené par des vierges
Qui portent d’innombrables cierges
Et se suivent languissamment.

 » Êtes-vous toujours en prière?
Êtes-vous des astres blessés?
Car ce sont des pleurs de lumière,
Non des rayons, que vous versez.

 » Vous, les étoiles, les aïeules
Des créatures et des dieux,
Vous avez des pleurs dans les yeux…  »
Elles m’ont dit :  » Nous sommes seules…

 » Chacune de nous est très loin
Des sœurs dont tu la crois voisine ;
Sa clarté caressante et fine
Dans sa patrie est sans témoin ;

 » Et l’intime ardeur de ses flammes
Expire aux cieux indifférents.  »
Je leur ai dit :  » Je vous comprends!
Car vous ressemblez à des âmes :

 » Ainsi que vous, chacune luit
Loin des sœurs qui semblent près d’elle,
Et la solitaire immortelle
Brûle en silence dans la nuit. « 


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Verset La voie lactée - René-François Sully Prudhomme