Le temps perdu

Sonnet.

Si peu d’œuvres pour tant de fatigue et d’ennui!
De stériles soucis notre journée est pleine :
Leur meute sans pitié nous chasse à perdre haleine,
Nous pousse, nous dévore, et l’heure utile a fui…

 » Demain! J’irai demain voir ce pauvre chez lui,
Demain je reprendrai ce livre ouvert à peine,
Demain je te dirai, mon âme, où je te mène,
Demain je serai juste et fort… pas aujourd’hui. « 

Aujourd’hui, que de soins, de pas et de visites!
Oh! L’implacable essaim des devoirs parasites
Qui pullulent autour de nos tasses de thé!

Ainsi chôment le cœur, la pensée et le livre,
Et, pendant qu’on se tue à différer de vivre,
Le vrai devoir dans l’ombre attend la volonté.


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Verset Le temps perdu - René-François Sully Prudhomme