À Madame Caroline Angebert

Chanter, mais dans le soir sonore
Et pour ses amis seulement,
Fuir le bruit qui nous déshonore
Et le vil applaudissement ;

Brûler, mais conserver sa flamme
Pour le seul but essentiel,
Être cette espérance, une âme
Qui chaque jour s’emplit de ciel ;

Avec une pensée insigne
Qui vous berce dans ses éclairs,
Vivre, blanche comme le cygne
Parmi les flots dorés et clairs ;

Ne rien chercher que la lumière,
S’envoler toujours loin du mal
Sur les ailes de la Prière,
Jusqu’au glorieux idéal ;

Sentir l’Ode au grand vol qui passe
En ouvrant ses ailes sans bruit,
Mais ne lui parler qu’à voix basse
Dans le silence et dans la nuit ;

Rappeler sa pensée errante
Dans les pourpres de l’horizon ;
Être cette fleur odorante
Qui se cache dans le gazon ;

Telle est votre gloire secrète,
Esprit de flammes étoilé,
Dont l’inspiration discrète
Fait tressaillir un luth voilé!

Ah! que la grande poétesse,
Devant les vastes flots déserts
Maudissant la bonne Déesse,
Jette sa plainte dans les airs!

Que la douloureuse Valmore,
En arrachant l’herbe et les fleurs,
Montre à l’insoucieuse aurore
Ses beaux yeux brûlés par les pleurs!

Mais celle qui pourrait comme elles
Suivre le grand aigle irrité,
Et qui domptant ses maux rebelles
Se résigne à l’obscurité,

Celle-là, guérie en ses veines,
Sent le calme victorieux
Triompher des angoisses vaines ;
Et ces êtres mystérieux

Dont l’invincible souffle enchante
Ce qui vit et ce qui fleurit,
Disent entre eux lorsqu’elle chante :
Écoutons-la, c’est un esprit.


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Verset À Madame Caroline Angebert - Théodore de Banville