À l’obéissance passive (II)

II.

Oh! vers ces vétérans quand notre esprit s’élève,
Nous voyons leur front luire et resplendir leur glaive,
Fertile en grands travaux.
C’étaient là les anciens. Mais ce temps les efface!
France, dans ton histoire ils tiennent trop de place.
France, gloire aux nouveaux!

Oui, gloire à ceux d’hier! ils se mettent cent mille,
Sabres nus, vingt contre un, sans crainte, et par la ville
S’en vont, tambours battants.
À mitraille! leur feu brille, l’obusier tonne,
Victoire! ils ont tué, carrefour Tiquetonne,
Un enfant de sept ans!

Ceux-ci sont des héros qui n’ont pas peur des femmes
Ils tirent sans pâlir, gloire à ces grandes âmes!
Sur les passants tremblants.
On voit, quand dans Paris leur troupe se promène,
Aux fers de leurs chevaux de la cervelle humaine
Avec des cheveux blancs!

Ils montent à l’assaut des lois ; sur la patrie
Ils s’élancent ; chevaux, fantassins, batterie,
Bataillon, escadron,
Gorgés, payés, repus, joyeux, fous de colère,
Sonnant la charge, avec Maupas pour vexillaire
Et Veuillot pour clairon.

Tout, le fer et le plomb, manque à nos bras farouches,
Le peuple est sans fusils, le peuple est sans cartouches,
Braves! c’est le moment!
Avec quelques tribuns la loi demeure seule.
Derrière vos canons chargés jusqu’à la gueule
Risquez-vous hardiment!

Ô soldats de décembre! ô soldats d’embuscades
Contre votre pays! honte à vos cavalcades
Dans Paris consterné!
Vos pères, je l’ai dit, brillaient comme le phare ;
Ils bravaient, en chantant une haute fanfare,
La mort, spectre étonné ;

Vos pères combattaient les plus fières armées,
Le prussien blond, le russe aux foudres enflammées,
Le catalan bruni,
Vous, vous tuez des gens de bourse et de négoce.
Vos pères, ces géants, avaient pris Saragosse,
Vous prenez Tortoni!

Histoire, qu’en dis-tu? les vieux dans les batailles
Couraient sur les canons vomissant les mitrailles ;
Ceux-ci vont, sans trembler,
Foulant aux pieds vieillards sanglants, femmes mourantes
Droit au crime. Ce sont deux façons différentes
De ne pas reculer.

Jersey, du 7 au 13 janvier 1853.


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Verset À l’obéissance passive (II) - Victor Hugo