Quelle tranquille bienveillance
Près de ces eaux remuées
Où le soleil se balance
En traversant la feuillée.
Seul le rêve voit nos danses
Enlacer les pins légers
Et nos pas pleins de cadence
Fondre comme des baisers.
A travers les grêles rameaux
Une ville au loin se devine,
Vaporeuse, dans un réseau
De fumée au creux des collines.
Les hommes y vivent entre eux
Dans une pâle inconscience ;
L’air n’apporte de leurs jeux
Qu’un murmure de silence.
Ils s’acheminent parfois
Comme des ombres habillées
Dans le mystère du sous-bois
Sans que les feuilles reposées
Dérangent leurs rêves légers
Auxquels ils restent étrangers.
Mais la Dame qui sous la branche
D’un œil pénétrant les caresse
Voit trembler une lueur blanche
Autour de leur sobre rudesse :
Ce halo qui rend à jamais
Isolé du reste des âmes
Et qui nimbe leurs vieux effets
De son imperceptible flamme.
Un songe étrange et recueilli
Sur toutes choses ;
Une brume sur les habits
Et sur les roses.
Et dans leurs maisons fermées
Dire que les hommes sont sûrs
De leurs lampes allumées,
Do leurs meubles, de leurs murs.
Pourvu que tout ne s’effrite
A quelque geste un peu vite.
Mollesse : penser ainsi
Que tout est fumée,
La vierge aux seins épanouis,
La fleur, la branche inclinée,
L’ombre, l’aurore, fumée.
Ce malin, un homme est venu
Dans le secret de ces ramées
Ensevelir les restes nus
De son amie assassinée.
Il tâtonnait sombre et bourru
En murmurant des choses brèves
Et c’est pourquoi nous avons cru
Qu’il ne faisait qu’un mauvais rêve.
Mais peu après, criant, pleurant
Vinrent amis et parents
Et des hommes de justice…
En ronde avec volupté
Tournons sous les feuilles lisses
Dans le silence d’été.
Jouez, langoureuse lumière,
Sur ces nappes de primevères
Au bord de l’eau,
Dans l’indolence qui persiste
Du vallon où l’âme n’existe
Qu’à demi-mots.
Ô ville pleine de brume
Qui t’évapores et fumes,
Contiens-tu de longs débats?
La lune au bois se balance
Et nous poursuivons nos danses
Sur la pelouse tout bas.