Sur la beigne

Nous sommes partis ce matin,
Sans savoir où, pédétentin,
Au diable!
J’en étais moi-même effaré,
Tant la route avait un air e –
ffroyable!

Des flaques, de la boue, et puis
Un ciel noirâtre comme un puits
De mine,
Ce ciel mi-breton, mi-normand,
Qui fait perpétuellement
La mine.

Ajoutez, surcroît de malheur,
Nous crachant au visage leur
Décharge,
Sur nos côtés, sur nos devants,
Le tourbillon des âpres vents
Du large!

Mais, si noir, si triste et si laid
Que fût le chemin, il fallait
Voir comme
Nous étions, quoique fatigués,
Gais, très gais, énormément gais
En somme!

Nanette a des goûts vagabonds.
Qui la poussent par sauts et bonds,
Sans crainte
Que son pied ne heurte un caillou
Qui l’érafle, qui l’éraille ou
L’éreinte.

Moi-même j’ai, pour ces jours-là,
Outre mon béret de gala.
Des bottes,
Qui ne m’abandonnent jamais
Dans le cours sinueux de mes
Ribotes.

Or, tandis que nous dévalons
Par les taillis et les vallons
Que baigne,
Jusqu’à son prochain confluent.
De son flot visqueux et gluant,
La Beigne,

Nous faisons, comme des marmots,
Des phrases sans queue et des mots
Sans tête,
Moi, lui disant :  » Turlututu!  »
Elle, me répondant :  » Que tu
Es bête! « 

Ainsi vont nos pas imprudents.
Qu’importe qu’on patauge dans
La boue?
Quand on a le cœur plein d’azur.
Qu’importe un soufflet du vent sur
La joue?


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Verset Sur la beigne - Charles Le Goffic