À Éléonore

Aimer à treize ans, dites-vous,
C’est trop tôt : eh, qu’importe l’âge?
Avez-vous besoin d’être sage
Pour goûter le plaisir des fous?
Ne prenez pas pour une affaire
Ce qui n’est qu’un amusement ;
Lorsque vient la saison de plaire,
Le cœur n’est pas longtemps enfant.

Au bord d’une onde fugitive,
Reine des buissons d’alentour,
Une rose à demi-captive
S’ouvrait aux rayons d’un beau jour.
Égaré par un goût volage,
Dans ces lieux passe le zéphir
Il l’aperçoit, et du plaisir
Lui propose l’apprentissage ;
Mais en vain : son air ingénu
Ne touche point la fleur cruelle.
De grâce, laissez-moi, dit-elle ;
À peine vous ai-je entrevu.
Je ne fais encor que de naître ;
Revenez ce soir, et peut-être
Serez-vous un peu mieux reçu.
Zéphir s’envole à tire-d’ailes,
Et va se consoler ailleurs ;
Ailleurs, car il en est des fleurs
À peu près comme de nos Belles.
Tandis qu’il fuit, s’élève un vent
Un peu plus fort que d’ordinaire,
Qui de la Rose, en se jouant,
Détache une feuille légère ;
La feuille tombe, et du courant
Elle suit la pente rapide ;
Une autre feuille en fait autant,
Puis trois, puis quatre ; en un moment,
L’effort de l’aquilon perfide
Eut moissonné tous ces appas
Faits pour des Dieux plus délicats,
Si la Rose eut été plus fine.
Le zéphir revint, mais hélas!
Il ne restait plus que l’épine.


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Verset À Éléonore - Évariste de Parny