T’en souviens-tu, mon aimable maîtresse

T’en souviens-tu, mon aimable maîtresse,
De cette nuit où nos brûlants désirs
Et de nos goûts la libertine adresse
À chaque instant variaient nos plaisirs?
De ces plaisirs le docile théâtre
Favorisait nos rapides élans ;
Mais tout-à-coup les suppôts chancelants
Furent brisés dans ce combat folâtre,
Et succombant à nos tendres ébats,
Sur le parquet tombèrent en éclats.
Des voluptés tu passas à la crainte ;
L’étonnement fit palpiter soudain
Ton faible cœur pressé contre le mien ;
Tu murmurais, je riais de ta plainte ;
Je savais trop que le Dieu des Amants
Sur nos plaisirs veillait dans ces moments.
Il vit tes pleurs ; Morphée, à sa prière,
Du vieil Argus que réveillaient nos jeux
Ferma bientôt et l’oreille et les yeux,
Et de son aile enveloppa ta mère.
L’aurore vint, plutôt qu’à l’ordinaire,
De nos baisers interrompre le cours ;
Elle chassa les timides amours ;
Mais ton souris, peut-être involontaire,
Leur accorda le rendez-vous du soir.
Ah! si les dieux me laissaient le pouvoir
De dispenser la nuit et la lumière,
Du jour naissant la jeune avant-courrière
Viendrait bien tard annoncer le soleil ;
Et celui-ci, dans sa course légère,
Ne ferait voir au haut de l’hémisphère
Qu’une heure ou deux son visage vermeil.
L’ombre des nuits durerait davantage,
Et les Amants auraient plus de loisir.
De mes instants l’agréable partage
Serait toujours au profit des plaisirs.
Dans un accord réglé par la sagesse,
Au doux sommeil j’en donnerais un quart ;
Le Dieu du vin aurait semblable part ;
Et la moitié serait pour ma maîtresse.


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Verset T’en souviens-tu, mon aimable maîtresse - Évariste de Parny