» Madame et souveraine,
Que mon cœur a de peine… »
Ainsi disait un enfant chérubin :
» Madame et souveraine,
Que mon cœur a de peine… «
Cette nuit, je ne sais trop pourquoi, ce refrain
A trotté dans ma tête et m’a laissé tout triste…
J’ai des torts envers vous… mais de ces torts d’artiste
Que l’on peut pardonner de la main à la main.
Je suis un fainéant, bohème journaliste,
Qui dîne d’un bon mot étalé sur son pain.
Vieux avant l’âge et plein de rancunes amères,
Méfiant comme un rat, trompé par trop de gens,
Ne croyant nullement aux amitiés sincères,
J’ai mis exprès à bout les nobles sentiments
Qui vous poussaient, madame, à calmer les tourments
D’une âme abandonnée au pays des misères.
Daignez me pardonner cet essai maladroit…
Vos lettres m’ont prouvé que dans cette bagarre,
Vous possédiez l’esprit qui marche ferme et droit,
Vous voulez votre dû, mot grotesque et barbare,
Que l’on n’accepterait jamais au Tintamare…
Mais il paraît qu’il faut payer ce que l’on doit.
Vous aurez donc, madame, et manuscrits et lettres,
Doucement ficelés dans un calicot vert,
Car ma plume est gelée aux jours noirs de l’hiver.
Sans feu dans mon taudis, sans carreaux aux fenêtres,
Je vais trouver le joint du ciel ou de l’enfer,
Et j’ai pour l’autre monde enfin bouclé mes guêtres.
J’ai fait mon épitaphe et prends la liberté
De vous la dédier dans un sonnet stupide
Qui s’élance à l’instant du fond d’un cerveau vide…
Mouvement de coucou par le froid arrêté :
La misère a rendu ma pensée invalide!