Mon âme est ailleurs

Des blancs torrents écoutant le murmure,
Sur les gazons je me suis arrêté ;
Jamais le soir, ô nature, nature!
N’eut plus d’éclat ni plus de majesté.
Feux dans l’azur, neige d’or revêtue!
Hymnes des bois, échos des monts en fleurs!
Dans cet accord ma voix seule s’est tue,
C’est que mon âme était ailleurs.

Quand vint le soir, le pâtre et sa famille
Me firent place à leur humble foyer ;
En souriant, la belle jeune fille
Mit devant moi le lait hospitalier.
Puis la cithare animant ses compagnes,
De leurs chansons je compris les douceurs ;
Mais je me tus au refrain des montagnes,
Mon âme encore était ailleurs.

Avant le jour, bravant les roches nues,
Du franc chasseur je suivis le sentier ;
Je contemplai ces beautés inconnues
Du ciel cédant la lumière au glacier.
En vain pourtant, du rocher qui s’élance,
Mon œil cueillait d’éternelles splendeurs :
Toujours en moi régnait même silence,
Toujours mon âme était ailleurs.

Jadis pourtant, à ces magiques fêtes
Où la montagne invite ses enfants,
Ma bouche avait des hymnes toujours prêtes,
Et des refrains aux échos triomphants :
C’est qu’autrefois ma voix insoucieuse
Aimait les bois, les eaux, les monts, les fleurs ;
Mais maintenant elle est silencieuse ;
Maintenant mon âme est ailleurs.


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Verset Mon âme est ailleurs - Henri Durand