Le livre en trois langues

En Décembre, au concert, souvenir d’agonie!
J’entendis, comment rendre un pareil souvenir?
La douleur ineffable et gronder et gémir :
D’un grand maître germain c’était la symphonie.
La vie intérieure, avec ses grands déserts,
Ses gouffres inconnus, son ciel et ses enfers,
Dans l’orchestre pleurait en sanglots d’harmonie.

Une nuit d’Août, au ciel, spectacle surhumain!
Je vis, mais comment peindre et comment faire croire
De cette sombre nuit la flamboyante gloire?
De Dieu, dans le chaos, dut être ainsi la main!
Dix mille éclairs du ciel fendaient le voile sombre,
Éblouissants, muets, soupirs de feu dans l’ombre…
Leur grandeur formidable éclipsa le Germain.

Et la trombe sonore et l’orage de flamme,
Énigmes pour mon cœur, torturèrent les airs ;
Mais, quand la passion eut sillonné mon âme,
Trois mondes, d’un seul coup, me furent découverts!
Dans sa tourmente à lui vous trouvant un langage,
Le cœur de votre angoisse un sens profond dégage,
Ô tempête d’accords, ô rafale d’éclairs!


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Verset Le livre en trois langues - Henri-Frédéric Amiel