Nous touchons à juillet, premier des mois brûlants,
Et la journée enfin se retire à pas lents.
Après l’ardent soleil, qui là-bas traîne encore,
Vient la nuit, cette nuit, faite à moitié d’aurore,
Qui dans le vaste ciel, joyeux de son retour,
D’une main sème l’ombre et de l’autre le jour.
A sa fraîche lueur qui commence à renaître,
L’heureuse métairie ouvre enfin sa fenêtre :
C’est l’heure de la sieste à la brise du soir ;
Sur la pierre, au dehors, il est temps de s’asseoir ;
Il est temps d’écarter, soit du corps, soit de l’âme,
Ce poids des rudes soins que chaque jour réclame,
Et, n’eût-on pour sa part que le pain du glaneur,
De respirer un peu comme un maître et seigneur!
Ainsi fait à cette heure, assis devant sa porte,
Le fermier de chez nous, homme de race forte,
Laboureur jeune encore, au front sévère et doux.
Immobile et pensif, les mains sur ses genoux,
Il aspire, dans l’air égayé de murmures,
Le meilleur des parfums, celui des gerbes mûres!
L’épouse auprès de lui, cœur d’espérance plein,
File, d’un doigt léger, sa quenouille de lin.
A ses pieds, un garçon, l’aîné de la famille,
Apprête en se jouant sa petite faucille.
– Père, dit-il parfois, en relevant le front,
Et, de son bras courbé, faisant un geste prompt,
Père, est-ce pas ainsi que l’on fauche une gerbe?
La mère, à ce propos, rit du bambin superbe,
Le père le regarde avec un tendre orgueil.
Ces trésors de son cœur, réunis près du seuil,
Ces étoiles au ciel dont la fête commence,
Ces bruits errants du soir dans la campagne immense,
Cette nappe d’épis dont les flots onduleux
Roulent, roulent sans fin jusqu’aux horizons bleus
Avec le frôlement d’un lourd manteau de soie,
Tout cela dans son cœur met une sainte joie.
J’ignore alors, ô rois! S’il se souvient de vous ;
S’il y pense, à coup sûr il n’en est point jaloux.
Qu’importe à ce brave homme une couronne altière?
Il murmure à son Dieu quelques mots de prière,
Et, rêvant aux moissons qui commencent demain,
Sur le front de son fils il repose sa main!