Ah! que le monde est difficile!
Hélas! il n’est pas fait pour moi.
Ma sœur, en ton obscur asile,
J’étais plus heureuse avec toi.
On m’appelle ici l’étrangère ;
C’est le nom de qui n’a point d’or.
Si je ris, je suis trop légère ;
Si je rêve… on en parle encor.
Si je mêle à ma chevelure
La fleur que j’aimais dans nos bois,
Je suis, dit-on, dans ma parure,
Timide et coquette à la fois ;
Puis-je ne pas la trouver belle?
Le printemps en a fait mon bien :
Pour me parer je n’avais qu’elle ;
On l’effeuille, et je n’ai plus rien.
Je sors de cet âge paisible,
Où l’on joue avec le malheur :
Je m’éveille, je suis sensible,
Et je l’apprends par la douleur.
Un seul être à moi s’intéresse ;
Il n’a rien dit, mais je le vois ;
Et je vois même, à sa tristesse,
Qu’il est étranger comme moi.
Ah! si son regard plein de charmes
Recèle un doux rayon d’espoir,
Quelle main essuiera les larmes
Qui m’empêchent de l’entrevoir?
Soumise au monde qui m’observe,
Je dois mourir, jamais pleurer ;
Et je n’use qu’avec réserve
Du triste espoir de soupirer!