Je ne veux pas dormir. Ô ma chère insomnie!
Quel sommeil aurait ta douceur?
L’ivresse qu’il accorde est souvent une erreur,
Et la tienne est réelle, ineffable, infinie.
Quel calme ajouterait au calme que je sens?
Quel repos plus profond guérirait ma blessure?
Je n’ose pas dormir ; non, ma joie est trop pure ;
Un rêve en distrairait mes sens.
Il me rappellerait peut-être cet orage
Dont tu sais enchanter jusques au souvenir ;
Il me rendrait l’effroi d’un douteux avenir,
Et je dois à ma veille une si douce image!
Un bienfait de l’Amour a changé mon destin :
Oh! qu’il m’a révélé de touchantes nouvelles!
Son message est rempli ; je n’entends plus ses ailes :
J’entends encor : demain, demain!
Berce mon âme en son absence,
Douce insomnie, et que l’Amour
Demain me trouve, à son retour,
Riante comme l’espérance.
Pour éclairer l’écrit qu’il laissa sur mon cœur,
Sur ce cœur qui tressaille encore,
Ma lampe a ranimé sa propice lueur,
Et ne s’éteindra qu’à l’aurore.
Laisse à mes yeux ravis briller la vérité ;
Écarte le sommeil, défends-moi de tout songe :
Il m’aime, il m’aime encore! Ô Dieu! pour quel mensonge
Voudrais-je me soustraire à la réalité?