Vous aviez l’âge où flotte encore
La double natte sur le dos,
Mais où l’enfant qu’elle décore
Sent le prix de pareils fardeaux ;
L’âge où l’œil déjà nous évite,
Quand, sous des vêtements moins courts,
Devant sa mère, droit et vite,
On va tous les matins au cours ;
Où déjà l’on pince les lèvres
Au tutoiement d’un grand garçon,
Lasse un peu des tendresses mièvres
Pour la poupée au cœur de son.
Alors mon idéal suprême
N’était pas l’inouï bonheur,
En aimant, d’être aimé moi-même,
Mais d’en mourir avec honneur,
De vous arracher votre estime
Sous les tenailles des bourreaux,
Dans un martyre magnanime,
Car les enfants sont des héros!
Si les enfants ont l’air timide,
C’est qu’ils n’osent que soupirer,
Se sentant le cœur intrépide,
Mais trop humble pour espérer.
Comme un page épris d’une reine,
Je n’avais d’autre ambition
Que de ramasser dans l’arène
Votre gant au pied d’un lion.
Mais une demoiselle sage
Ne laisse pas traîner son gant.
Le vôtre, un jour, sur mon passage
Échappa de vos doigts pourtant.
Oh! Ce fut bien involontaire!
Mais j’en frémis. Comment laisser
Sous vos yeux votre gant par terre,
Quand je n’avais qu’à me baisser?
C’était au parloir du collège,
Pas un lion sur mon chemin.
– » Allons, courage! » me disais-je,
Le devoir me poussait la main ;
Mais mon trouble demandait grâce
Au défi de ce gant perdu,
Et c’est le dernier de ma classe,
Madame, qui vous l’a rendu.