Les mères

Les mères ont senti tressaillir leurs entrailles.
Les lourds caissons chargés de boîtes à mitrailles
Courent, et l’on dirait qu’ils bondissent joyeux.
Le peuple de Paris, pensif, les suit des yeux
Et s’en va par les quais vers les Champs-Élysées.
On ferme les maisons, on se penche aux croisées ;
La cohue en haillons, morne comme la nuit,
Marche, grossit, s’avance, et l’on entend le bruit
Que font les bataillons et les cavaleries.
Elle passe, sinistre, auprès des Tuileries.
Oh! de ceux qui s’en vont, rêvant, par ce chemin,
Combien ne verront pas le soleil de demain!
Dans cette multitude aux pantomimes sombres
Combien parlent encor qui déjà sont des ombres!
Guerre civile! émeute! ô deuil! combien ce soir
Auront pour dernier lit le pavé froid et noir!


1 Star2 Stars3 Stars4 Stars5 Stars (1 votes, average: 5,00 out of 5)

Verset Les mères - Victor Hugo