Que t’importe, mon cœur

Que t’importe, mon cœur, ces naissances des rois,
Ces victoires, qui font éclater à la fois
Cloches et canons en volées,
Et louer le Seigneur en pompeux appareil,
Et la nuit, dans le ciel des villes en éveil,
Monter des gerbes étoilées?

Porte ailleurs ton regard sur Dieu seul arrêté!
Rien ici-bas qui n’ait en soi sa vanité :
La gloire fuit à tire-d’aile ;
Couronnes, mitres d’or, brillent, mais durent peu ;
Elles ne valent pas le brin d’herbe que Dieu
Fait pour le nid de l’hirondelle!

Hélas! plus de grandeur contient plus de néant!
La bombe atteint plutôt l’obélisque géant
Que la tourelle des colombes.
C’est toujours par la mort que Dieu s’unit aux rois ;
Leur couronne dorée a pour faîte sa croix,
Son temple est pavé de leurs tombes.

Quoi! hauteur de nos tours, splendeur de nos palais,
Napoléon, César, Mahomet, Périclès,
Rien qui ne tombe et ne s’efface!
Mystérieux abîme où l’esprit se confond!
A quelques pieds sous terre un silence profond,
Et tant de bruit à la surface!

Le 30 juin 1830.


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Verset Que t’importe, mon cœur - Victor Hugo