Assis au bord du lac où baignent leurs pieds nus,
Amphise et Melitta, depuis qu’ils sont venus,
Immobiles, les doigts unis les lèvres closes,
S’enivrent du beau soir d’or limpide et de roses,
Et remplissent leur âme à la splendeur qui sort
Des grands monts violets reflétés dans l’eau d’or!
Le calme est infini… D’une insensible haleine
La brise à leurs pieds roule une eau ridée à peine,
Et les cygnes, au long des jardins d’orangers,
Voguent lourds de paresse et de parfums chargés.
Jamais comme ce soir, et sans rien qui l’altère,
Amphise n’a goûté la douceur de la terre.
– Ô Melitta… dit-il et laissant à dessein
Son front pâle attardé sur la tiédeur du sein,
Il écoute – si doux au fond du soir qui sombre –
Le bruit divin du cœur qui pour lui bat dans l’ombre.
– Prends mon âme à ma bouche, ami! dit Melitta.
– Prends mes yeux! dit Amphise et depuis qu’ils sont là
La nuit bleue a noyé le lac et les campagnes ;
Et la lune se lève au dessus des montagnes…