L’air était pur ; un dernier jour d’automne,
En nous quittant, arrachait la couronne
Au front des bois ;
Et je voyais d’une marche suivie
Fuir le soleil, la saison et ma vie,
Tout à la fois.
Près d’un vieux tronc, appuyée en silence,
Je repoussais l’importune présence
Des jours mauvais ;
Sur l’onde froide, ou l’herbe encore fleurie,
Tombait sans bruit quelque feuille flétrie,
Et je rêvais!…
Au saule antique incliné sur ma tête
Ma main enlève, indolente et distraite,
Un vert rameau ;
Puis j’effeuillai sa dépouille légère,
Suivant des yeux sa course passagère
Sur le ruisseau.
De mes ennuis jeu bizarre et futile!
J’interrogeais chaque débris fragile
Sur l’avenir ;
Voyons, disais-je à la feuille entraînée,
Ce qu’à ton sort ma fortune enchaînée
Va devenir?
Un seul instant je l’avais vue à peine,
Comme un esquif que la vague promène,
Voguer en paix :
Soudain le flot la rejette au rivage ;
Ce léger choc décida son naufrage…
Je l’attendais!…
Je fie à l’onde une feuille nouvelle,
Cherchant le sort que pour mon luth fidèle
J’osai prévoir ;
Mais vainement j’espérais un miracle,
Un vent rapide emporta mon oracle
Et mon espoir.
Sur cette rive où ma fortune expire,
Où mon talent sur l’aile du Zéphire
S’est envolé,
Vais-je exposer sur l’élément perfide
Un vœu plus cher?… Non, non, ma main timide
A reculé.
Mon faible cœur, en blâmant sa faiblesse,
Ne put bannir une sombre tristesse,
Un vague effroi :
Un cœur malade est crédule aux présages ;
Ils amassaient de menaçants nuages
Autour de moi.
Le vert rameau de mes mains glisse à terre :
Je m’éloignai pensive et solitaire,
Non sans effort :
Et dans la nuit mes songes fantastiques
Autour du saule aux feuilles prophétiques
Erraient encore!