Connaissez-vous ces bords qu’arrose la Baltique,
Et dont les souvenirs, aimés du Barde antique,
Ont réveillé la harpe amante des torrents?
Connaissez-vous ces champs qu’un long hiver assiège,
L’orgueil des noirs sapins que respecte la neige,
Ces rocs couverts de mousse et ces lacs transparents?
D’un rapide printemps la fugitive haleine
Y ranime en passant et les monts et la plaine ;
Un prompt été le suit, et, prodigue de feux,
Se hâte de mûrir les trésors qu’il nous donne ;
Car l’hiver menaçant laisse à peine à l’automne
Le temps de recueillir ses présents savoureux.
Mais ces rares beaux jours, quel charme les décore!
La nuit demi-voilée y ressemble à l’aurore :
Une molle douceur se répand dans les airs ;
Et cette heure rapide où le soleil repose,
Clisse avec le murmure et les parfums de rose
Des bouleaux agités par la brise des mers.
Hâtez-vous de goûter d’éphémères délices ;
L’hiver qui vous poursuit de ses tristes prémices,
D’un givre étincelant a blanchi ces climats :
Bientôt l’onde s’arrête à sa voix redoutable,
Et sur les champs muets que son empire accable
D’une haleine puissante il souffle les frimas.
Mais aux natals plaisirs lui seul offre un théâtre,
Ses chemins de cristal et ses tapis d’albâtre
Ouvrent leur blanche arène aux traîneaux triomphants ;
Et malgré ses rigueurs et sa morne durée,
Lui seul prête ses traits à l’image sacrée
Qui grave la patrie au cœur de ses enfants.
Beaux climats du Midi, terres du ciel aimées!
Que sont au fils du Nord vos brises embaumées?
Les jasmins de Grenade et leurs parfums si doux
Ne pourraient l’arracher à sa mélancolie,
Sous vos rameaux en fleurs, citronniers d’Italie,
Il rêve un sol de glace et des cieux en courroux.