Vous qui dormiez en paix dans le sein de la terre,
Au vaste champ des morts, heureux d’être oubliés,
On fouille vos cercueils dans leur profond mystère :
Les secrets de vos cœurs vont être publiés.
Aux siècles finissants grouille une race impie
D’ignorants vaniteux, de plats écrivailleurs
Dont le cerveau débile est à court de copie
Et formant un concert de funèbres railleurs.
Il ne leur suffit pas, même à bris de clôtures,
En pénétrant chez eux, d’insulter aux vivants ;
Ils opèrent de nuit le viol des sépultures,
Pour en jeter la cendre éparse à tous les vents.
Un commerce honteux, c’est de battre monnaie
En remuant au jour de poudreux ossements,
Pauvres débris humains qu’on traîne sur la claie,
Suivis par de hideux et froids ricanements.
Laissons les morts en paix dans la terre profonde :
Ils ont eu comme nous de bons et mauvais jours ;
Et ne réveillons pas tous les échos du monde
Au navrant souvenir de leurs tristes amours.