À Gustave Droz.
La petite Sara, la brune guitariste,
Qui se recueille au bruit de sa robe en marchant,
Possède une vois d’or dans un gosier d’artiste
Et m’accepte parfois comme écuyer tranchant.
Elle aime le rosbif dans les fleurs du vieux Sèvres,
Les verres de Bohême au timbre musical.
Comme un flot de rubis le vin plaît à ses lèvres
Dans les tulipes de cristal.
Le bourgogne, vermeil comme un reflet d’aurore,
Le médoc, empourpré comme un soleil couchant,
Lui font un cœur plus riche, un gosier plus sonore,
Et versent la couleur à son merveilleux chant.
Le caquet de la grive et la flûte des merles,
Le soupir de velours du ramier sous les bois,
Et le rire d’argent d’un ruisseau dans ses perles :
Notes éparses de sa voix.
Chanson du pays basque et romance espagnole,
Ou refrain du vieux temps qu’on chante sur l’Adour,
Et dont je n’ai jamais compris une parole,
Sont tout épanouis de jeunesse et d’amour.
Elle est née au soleil, près de Fontarabie,
Et de ses vrais aïeux l’histoire est un roman
On y voit défiler des princes d’Arabie
Sous le calife Abd-er-Rahman.
Dans ses trésors de grâce une exquise merveille
Que ne soupçonne pas le rêve des sculpteurs,
C’est le divin contour de sa petite oreille,
Fleur transparente ouverte à tous les bruits chanteurs.
Sa vie est un voyage : on fait de longues marches
Dans la grande famille errante d’Israël.
On y garde l’esprit des anciens patriarches,
Ces éternels changeurs de ciel.
D’où venait-elle hier? demain où sera-t-elle?
Avec les rossignols des gais printemps enfuis,
Dieu sait où chantera l’heureuse tourterelle
Que je dois pour toujours oublier… si je puis!