Adieu, Paris, adieu, ville où le cœur oublie!
Je reconnais le chemin vert
Où j’ai quitté trop tôt ma plus douce folie ;
Salut, vieux mont de bois couvert!
J’ai perdu dans ces bois les ennuis de la veille ;
J’ai vu refleurir mon printemps ;
Après un mauvais rêve enfin je me réveille
Sous ma couronne de vingt ans!
C’est au milieu des bois, c’est au fond des vallées,
Qu’autrefois mon âme a fleuri,
C’est à travers les champs que se sont envolées
Les heures qui m’ont trop souri!
Les heures d’espérance! adorables guirlandes
Qui se déchirent dans nos mains
Quand nous touchons du pied le noir pays des landes
Familier à tous les humains.
Ne trouverai-je pas le secret de la vie,
Seul, libre, errant au fond des bois,
À la fête suprême où le ciel me convie,
À la source vive où je bois?
Ignorant! Je lisais gravement dans leur livre ;
Maintenant que je vais rêvant,
Dans la verte forêt mon cœur rapprend à vivre
Et mon cœur redevient savant.
Approchez, approchez, Visions tant aimées ;
Comme la biche au son du cor,
Vous fuyez à ma voix sous les fraîches ramées,
Et pourtant je suis jeune encor.
Vous fuyez! Et pourtant vous n’êtes pas flétries,
Sous ce beau ciel rien n’est changé :
J’entends chanter encor le pâtre en ses prairies,
Et dans les bois siffler le geai.
Ah! ne vous cachez pas, ô Nymphes virginales!
Sous les fleurs et sous les roseaux.
Suspendez, suspendez vos courses matinales,
Sirènes, montez sur les eaux!
Amour, Illusion, Chimère, Rêverie,
Sans moi vous allez voyager.
Arrêtez! Vous fuyez? Adieu! Dans ma patrie
Je ne suis plus qu’un étranger.
Il ne s’arrête pas, blondes enchanteresses,
Votre cortège éblouissant.
Heureux sont les amants, heureuses les maîtresses,
Que vous caressez en passant.