Élégie VII.
Il faut tout perdre, il faut vous obéir.
Je vous les rends ces lettres indiscrètes,
De votre cœur éloquents interprètes,
Et que le mien eût voulu retenir ;
Je vous les rends. Vos yeux à chaque page
Reconnaîtront l’amour et son langage,
Nos doux projets, vos serments oubliés,
Et tous mes droits par vous sacrifiés.
C’était trop peu, cruelle Éléonore,
De m’arracher ces traces d’un amour
Payé par moi d’un éternel retour ;
Vous ordonnez que je vous rende encore
Ces traits chéris, dont l’aspect enchanteur
Adoucissait et trompait ma douleur.
Pourquoi chercher une excuse inutile,
En reprenant ces gages adorés
Qu’aux plus grands biens j’ai toujours préférés?
De vos rigueurs le prétexte est futile.
Non, la prudence et le devoir jaloux
N’exigent pas ce double sacrifice.
Mais ces écrits qu’un sentiment propice
Vous inspira dans des moments plus doux,
Mais ce portrait, ce prix de ma constance,
Que sur mon cœur attacha votre main,
En le trompant, consolaient mon chagrin :
Et vous craignez d’adoucir ma souffrance ;
Et vous voulez que mes yeux désormais
Ne puissent plus s’ouvrir sur vos attraits,
Et vous voulez, pour combler ma disgrâce,
De mon bonheur ôter jusqu’à la trace.
Ah! j’obéis, je vous rends vos bienfaits.
Un seul me reste, il me reste à jamais.
Oui, malgré vous, qui causez ma faiblesse,
Oui, malgré moi, ce cœur infortuné
Retient encore et gardera sans cesse
Le fol amour que vous m’avez donné.