Ce que l’on voit dans le temps où nous sommes
Ne peut manquer d’attrister le regard.
Tels nains grandis pensent être des hommes,
Et tout est faux en ce siècle bâtard.
La courtisane, après la quarantaine,
Dit que jamais sa vertu ne sombra ;
Les faux-dévots se comptent par centaine ;
Mais espérons que cela finira.
Les cléricaux, voulant frauder l’histoire,
De Loriquet enseignent les leçons,
Chargeant ainsi notre jeune mémoire
De faits menteurs et de contrefaçons.
L’index est mis sur la philosophie,
Tout le savoir est dans l’Alléluia.
La sainte ligue est là qui nous défie,
Mais espérons que cela finira.
Tous les valets ne sont pas à l’office,
Plus d’un s’étale assis sur le velours ;
La vertu souffre, opulent est le vice ;
Cela s’est vu et se verra toujours.
Mais ce qui met le comble à la bassesse,
Ce que chacun avec nous blâmera,
C’est d’encenser tant d’abjecte souplesse ;
Mais espérons que cela finira.
Tel roi penché sur la carte d’Europe,
A son voisin donne un peuple en cadeau ;
Pour le garder sa troupe l’enveloppe
Comme un berger fait parquer son troupeau.
Eh bien! pourtant, ce voleur de royaume
Trouve un flatteur qui le glorifiera.
L’aigle aux deux becs triomphe sur son dôme ;
Mais espérons que cela finira.
Chacun est fou d’un rêve qu’il caresse ;
Les gens de rien, haussés sur leurs talons,
Veulent se faire égaux de la noblesse,
Et des marquis trafiquent leurs galons.
Voilà pourquoi l’on voit sur la planète
Tant de vilains dont l’avenir rira,
S’ennoblissant, grâce à la savonnette ;
Mais espérons que cela finira.
Puisque les grands ont ainsi leurs tocades
Et qu’il leur faut des titres pour joujoux,
Amis, plaignons tous ces pauvres malades
Dont le cerveau s’emplit de rêves fous ;
Puisque c’est nous qui sommes les vrais sages,
Dans sa bonté le ciel nous sourira.
Ouvrons ensemble une ère à d’autres âges,
En espérant que cela finira.