I
Vierge au pied leste,
Au chant mutin,
A la main preste,
A l’œil lutin,
Au front hautain,
Au royal geste,
Sois plus modeste,
Songe au destin,
Vierge si preste,
Songe à demain!
II
La feuille tombe,
Ô ma colombe,
Du rameau vert ;
Le printemps chante,
Ô ma charmante…
Puis vient l’hiver.
Des feux d’Aurore
Le ciel se dore…
Puis vient la nuit ;
Un éclair brille,
Ô ma gentille,
Brille… et s’enfuit.
Fille superbe,
La fleur de l’herbe,
Ton doux larcin,
Bientôt se fane,
Ô ma sultane…
Même à ton sein.
La pleine lune
Bientôt, ma brune,
Perd son éclat ;
La fraîche brise,
Quoique insoumise,
Bientôt s’abat.
L’horloge sonne,
Sonne, ô mignonne…
Et puis se tait ;
Tout passe vite,
Vite, ô petite…
Et disparaît.
III
Vierge au pied leste,
Au chant mutin,
Au royal geste,
Au ton hautain,
Bien ne demeure,
Bien ici-bas ;
L’heure après l’heure
Presse le pas ;
Et tel qu’un rêve
S’envole au jour,
Ainsi, sans trêve
Et sans amour,
Qu’on le regrette,
Enfant, ou pas,
Tout, ma pauvrette,
Nous quitte, hélas!
IV
Ton œil, bel ange,
Va se ternir ;
Dans l’avenir
Tout doit finir :
Aussi tout change.
Agneaux et loups,
Sages et fous
Plaisir et joie,
Tout est la proie
Du temps jaloux.
Partout il pille :
Autour de nous,
A tes genoux ;
Sens-tu ses coups,
Ô jeune fille?
Puis, sans espoir,
Fruit, rose ou feuille
Le Trépas noir
Prend, fauche ou cueille
Tout, un beau soir.
V
Sans perdre haleine
Jusqu’au matin,
D’un pied badin
Chassant la peine,
Danse, ô ma reine,
Aux cils d’ébène,
Mais dans l’arène,
Enfant hautain,
Pense à la fin,
Pense au destin :
Vieille on se traîne ;
Songe au chemin
Vierge trop vaine,
Songe à demain!