(Pour M. L. C. D. C. en captivité.)
À Iris.
Vous demandez, Iris, ce que je fais :
Je pense à vous, je m’épuise en souhaits.
Etre privé de les dire moi-même,
Aimer beaucoup, ne point voir ce que j’aime,
Craindre toujours quelque nouveau rival,
Voilà mon sort. Est-il tourment égal?
Un amant libre a le Ciel moins contraire :
Il peut vous rendre un soin qui vous peut plaire ;
Ou, s’il ne peut vous plaire par des soins,
Il peut mourir à vos pieds tout au moins.
Car je crains tout ; un absent doit tout craindre ;
Je prends l’alarme aux bruits que j’entends feindre :
On dit tantôt que votre amour languit ;
Tantôt qu’un autre a gagné votre esprit.
Tout m’est suspect ; et cependant votre âme
Ne peut si tôt brûler d’une autre flamme :
Je la connais ; une nouvelle amour
Est chez Iris l’oeuvre de plus d’un jour.
Si l’on m’aimait, je suis sûr que l’on m’aime ;
Mais m’aimait-on? Voilà ma peine extrême.
Dites-le-moi, puis le recommencez.
Combien? cent fois? Non, ce n’est pas assez :
Cent mille fois? Hélas! c’est peu de chose.
Je vous dirai, chère Iris, si je l’ose,
Qu’on ne le croit qu’au milieu des plaisirs
Que l’hyménée accorde à nos désirs.
Même un tel soin là-dessus nous dévore,
Qu’en le croyant on le demande encore.
Mais c’est assez douter de votre amour :
Doutez-vous point du mien à votre tour?
Je vous dirai que toujours même zèle,
Toujours ardent, toujours pur et fidèle,
Règne pour vous dans le fond de mon coeur.
Je ne crains point la cruelle longueur
D’une prison où le sort vous oublie,
Ni les vautours de la mélancolie ;
Je ne crains point les languissants ennuis,
Les sombres jours, les inquiètes nuits,
Les noirs moments, l’oisiveté forcée,
Ni tout le mal qui s’offre à la pensée
Quand on est seul, et qu’on ferme sur vous
Porte sur porte, et verrous sur verrous.
Tout est léger. Mais je crains que votre âme
Ne s’attiédisse et s’endorme en sa flamme,
Ou ne préfère, après m’avoir aimé,
Quelque amant libre à l’amant enfermé.