Sous la treille, à midi, pendant que la maison
Repose, et que les blés, jusques à l’horizon,
Sous ce vent frais et doux qui chaque jour s’élève,
Roulent comme des flots attirés par la grève,
L’un près de l’autre assis, tous deux gardent le seuil :
Tous deux, l’aimable enfant, au front pur, au bel œil,
Garçon qui sur sa joue a des teintes vermeilles,
Et le grand chien de chasse aux pendantes oreilles.
Un livre est sous leurs yeux, un volume latin
Que le maître à l’enfant confia ce matin.
Il s’agit d’épeler, sur l’ordre du digne homme,
Ce gros livre un peu lourd, plein des fastes de Rome ;
D’y connaître Tarquin, d’y fréquenter Brutus.
Et de s’y bien nourrir des antiques vertus. –
Or, l’enfant, dont cet ordre a glacé le sourire,
Lit tout bas, et le chien lui-même semble lire.
L’écolier, par moments, relève un peu le front.
L’étude a bien son prix, mais un rien l’interrompt :
Pour qu’on néglige enfin les Volsques, pour qu’on laisse
Rentrer sournoisement le mari de Lucrèce,
Ou le fier Scaevola s’approcher du brasier,
Que faut-il? Qu’un oiseau chante dans le rosier,
Qu’un papillon, dont l’aile au hasard se gouverne,
Vienne poser son vol sur un brin de luzerne!
Au contraire le chien, qui d’ailleurs se fait vieux.
Le brave et digne chien ne quitte pas des yeux
Son De Viris, ouvert largement sur la pierre.
A son air immobile, au pli de sa paupière,
On dirait qu’à défaut de l’indolent garçon
Il veut au moins qu’un autre apprenne la leçon.
A la fin cependant, pris de fatigue, il bâille ;
Et son voisin alors : Travaille, ami, travaille!
Quiconque est paresseux ne saura jamais rien.
Si je te parle ainsi, d’ailleurs, c’est pour ton bien ;
Car, du livre endormant qu’on parcourt feuille à feuille,
Dieu sait tout le profit que, plus tard, on recueille!