A madame Élyse de G***
Oui, j’aimai, je chantai, dès ma saison première,
Ce fluide élément,
Ces espaces d’azur où l’âme, heureuse et fière,
Plane si librement.
Oui, le mouvant tableau de cette onde où se mire
Le chœur des astres d’or,
Me fut cher comme à toi, – Sirène que j’admire
Sans te connaître encore!
Mais depuis, entraîné loin des eaux dont la houle
Berce les matelots,
Je vis de près le siècle et je hantai la foule,
Mer aux arides flots!
Dans ce triste Océan qui s’agite et qui souffre,
Et qui roule des pleurs,
Spectateur attristé, je mesurai le gouffre
Des humaines douleurs.
Aujourd’hui, grâce à vous, femme à la voix touchante,
Penseur moins soucieux,
Je regagne le bord de l’Océan qui chante
Et reflète les cieux.
Là, tandis que la nuit brode sa sombre toile
D’astres brillants et doux,
L’œil fixé sur la vague où se lève une étoile,
J’aime à songer à vous ;
A vous dont les beaux vers, sur l’aile de la stance,
M’apportent leur douceur ;
A vous, en qui mon âme, à travers la distance,
Déjà rêve une sœur ;
A vous, dont je devine, infaillible prophète,
La grâce et la beauté,
Comme on devine l’or dont une lyre est faite,
Au son qu’elle a jeté!