La veillée du nègre

Le soleil de la nuit éclaire la montagne ;
Sur le sable désert faut-il encore rester?
Doucement dans mes bras laisse-moi t’emporter ;
Bon maître, éveille-toi! marchons vers la campagne.
Tes yeux sont clos depuis trois jours :
Maître! dormiras-tu toujours?

L’orage dans son vol a brisé les platanes ;
Le navire sans voile a disparu dans l’eau :
De ton front tout sanglant, j’ai lavé le bandeau ;
Marchons, les pauvres noirs t’ouvriront leurs cabanes.
Tes yeux sont clos depuis trois jours :
Maître! dormiras-tu toujours?

Je voudrais deviner ton rêve que j’ignore.
Oh! que ce rêve est long! finira-t-il demain?
Demain, en t’éveillant, presseras-tu ma main?
Oui, je t’appellerai quand j’aurai vu l’aurore.
Tes yeux sont clos depuis trois jours :
Maître! dormiras-tu toujours?

Mais la lueur du jour s’étend sur le rivage,
Le flot porte sans bruit la barque du pêcheur ;
Viens! … que ton front est froid! quelle triste blancheur!
Oh! maître! que ta voix me rendrait de courage!
Tes yeux sont clos depuis trois jours :
Maître! dormiras-tu toujours?


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Verset La veillée du nègre - Marceline Desbordes-Valmore