Prisonnier de guerre et condamné à mort.
Lors que ma douleur secrète,
D’un cachot aveugle jette
Maint soupir empoisonné,
Tu m’entends bien sans parole.
Ma plainte muette vole
Dans ton sein déboutonné.
Je veux que mon âme suive,
Ou soit libre, ou soit captive,
Tes plaisirs : rien ne me chaut ;
Tout plaît, pourvu qu’il te plaise.
Ô Dieu! pour me donner l’aise,
Donne-moi ce qu’il me faut.
Ma chair qui tient ma pensée,
Sous ses clefs est abaissée,
Sous la clef d’un geôlier :
Dont soit en quelque manière
Cette prison prisonnière,
Moins rude à son prisonnier.
Que si mon âme captive
Est moins allègre et moins vive,
Lors que ses membres germains
L’enveloppent de mes peines,
De mes pieds ôte mes chaînes,
Et les menottes des mains.
Mais si mon âme, au contraire,
Fait mieux ce qu’elle veut faire
Quand son ennemi pervers
Pourrit au fond de ses grottes,
Charge mes mains de menottes,
Et mes deux jambes de fers.
Si le temps de ma milice,
Si les ans de mon service
Sont prolongez, c’est tant mieux :
Cette guerre ne m’envie,
Douce me sera la vie,
Et le trépas ennuyeux.
Mais, Ô mon Dieu, si tu trouves
Qu’il est temps qu’on me relève,
Je suis tout prêt de courir,
De tout quitter pour te suivre.
Le mourir me sera vivre,
Vivre me sera mourir.