Quand le premier sculpteur eut achevé la Lyre
Et caché dans son sein les chants harmonieux ;
Ouvrier sans défaut, lorsqu’il eut fait sourire
Parmi ses ornements les figures des Dieux,
Et qu’il eut couronné l’instrument de martyre
Avec le vert rameau d’un laurier radieux ;
L’indomptable Titan, à son désir fidèle,
Qui, tout brûlant encor, vers la voûte éternelle
Une seconde fois, tentait de s’envoler,
Fit, pareil au vautour qui devait l’immoler,
Tomber sur le chef-d’oeuvre une blanche étincelle
Du feu resplendissant qu’il venait de voler.
C’est l’âme de la Lyre ; à notre âme invisible
Elle se plaint souvent loin du monde réel,
Souvent, dans une étreinte amoureuse et terrible,
Vient la brûler aux feux de son oeil immortel ;
Et, captive à jamais dans le rhythme inflexible,
Elle aspire sans cesse à remonter au ciel.
Elle meurt du désir qui toujours la dévore
Dans la froide prison des mètres et des vers,
Et tâche, l’oeil perdu parmi les cieux ouverts,
D’entendre encor la voix de cet archet sonore
Qui, si loin du désert où ses chants vont éclore,
Mène dans l’infini le choeur de l’univers.