Merci, gentilles Jouvencelles,
M’avez reçu dans le châtel.
Soyez tendres autant que belles,
Saurez les chants du ménestrel ;
Les retins de mon noble maître,
Car ai tout appris dans sa cour ;
Vous conterai LA MORT D’AMOUR,
Et vous verrai plorer peut-être!
N’est plus Amour qui bien aimer faisait,
Les faux amans l’ont jeté hors de vie ;
Amour vivant n’est rien que tromperie :
Pour franc Amour priez Dieu, s’il vous plaît!
Que franc Amour avait de charmes!
Quel éclat brillait dans ses yeux!
De sa mort n’avais point d’alarmes,
Le croyais au nombre des Dieux.
L’une de vous pourrait connaître
Que n’ai point flatté le portrait ;
Ne veux pas trahir son secret,
Mais la verrai rougir peut-être.
N’est plus Amour qui bien aimer faisait,
Les faux amans l’ont jeté hors de vie ;
Amour vivant n’est rien que tromperie :
Pour franc Amour priez Dieu, s’il vous plaît!
Las! bientôt, malgré sa jeunesse,
Il sentit la faux du trépas ;
Accablé d’ennuis, de tristesse,
Amour s’éteignait dans mes bras.
Voyais sa force disparaître,
Ses traits se faner et pâlir ;
Un oubli le faisait mourir,
Un regard l’eût sauvé peut-être!
N’est plus Amour qui bien aimer faisait,
Les faux amans l’ont jeté hors de vie ;
Amour vivant n’est rien que tromperie :
Pour franc Amour priez Dieu, s’il vous plaît!
Mis en bûcher lettre amoureuse,
Serments félons, trompeurs aveux,
L’azur d’une écharpe menteuse,
Bouquets flétris et blonds cheveux ;
L’astre du soir vint à paraître,
Y portai les restes d’Amour.
Alors, pour le priver du jour,
Mes pleurs auraient suffi peut-être!
N’est plus Amour qui bien aimer faisait,
Les faux amans l’ont jeté hors de vie ;
Amour vivant n’est rien que tromperie :
Pour franc Amour priez Dieu, s’il vous plaît!
Dans un bocage solitaire
S’élève la tombe d’Amour ;
On verra naïve bergère
Y rêver au déclin du jour.
Puisse un cœur inconstant et traître
Dans ce lieu passer un moment!
Sur l’albâtre du monument
En soupirant lira peut-être :
» Ci-gît Amour qui bien aimer faisait,
Les faux amans l’ont jeté hors de vie ;
Amour vivant n’est rien que tromperie :
Pour franc Amour priez Dieu, s’il vous plaît! «