Aveu d’une femme

Savez-vous pourquoi, madame,
Je refusais de vous voir?
J’aime! Et je sens qu’une femme
Des femmes craint le pouvoir.
Le vôtre est tout dans vos charmes,
Qu’il faut, par force, adorer.
L’inquiétude a des larmes :
Je ne voulais pas pleurer.

Quelque part que je me trouve,
Mon seul ami va venir ;
Je vis de ce qu’il éprouve,
J’en fais tout mon avenir.
Se souvient-on d’humbles flammes
Quand on voit vos yeux brûler?
Ils font trembler bien des âmes :
Je ne voulais pas trembler.

Dans cette foule asservie,
Dont vous respirez l’encens,
Où j’aurais senti ma vie
S’en aller à vos accents,
Celui qui me rend peureuse,
Moins tendre, sans repentir,
M’eût dit :  » N’es-tu plus heureuse?  »
Je ne voulais pas mentir.

Dans l’éclat de vos conquêtes
Si votre coeur s’est donné,
Triste et fier au sein des fêtes,
N’a-t-il jamais frissonné?
La plus tendre, ou la plus belle,
Aiment-elles sans souffrir?
On meurt pour un infidèle :
Je ne voulais pas mourir.


1 Star2 Stars3 Stars4 Stars5 Stars (1 votes, average: 5,00 out of 5)

Verset Aveu d’une femme - Marceline Desbordes-Valmore