Stance VIII.
Pressé de désespoir, mes yeux flambants je dresse
À ma beauté cruelle, et baisant par trois fois
Mon poignard nu, je l’offre aux mains de ma déesse,
Et lâchant mes soupirs en ma tremblante voix,
Ces mots coupés je presse :
» Belle, pour étancher les flambeaux de ton ire,
Prends ce fer en tes mains pour m’en ouvrir le sein,
Puis mon coeur haletant hors de son lieu retire,
Et le pressant tout chaud, étouffe en l’autre main
Sa vie et son martyre.
Ah dieu! si pour la fin de ton ire ennemie
Ta main l’ensevelit, un sépulcre si beau
Sera le paradis de son âme ravie,
Le fera vivre heureux au milieu du tombeau
D’une plus belle vie! «
Mais elle fait sécher de fièvre continue
Ma vie en languissant, et ne veut toutefois,
De peur d’avoir pitié de celui qu’elle tue,
Rougir de mon sang chaud l’ivoire de ses doigts,
Et en troubler sa vue.
Aveuglé! quelle mort est plus douce que celle
De ses regards mortels durement gracieux
Qui dérobe mon âme en une aise immortelle?
J’aime donc mieux la mort sortant de ses beaux yeux
Et plus longue et plus belle.