À mon Père

Ô mon père, soldat obscur, âme angélique!
Juste qui vois le mal d’un oeil mélancolique,
Sois béni! je te dois ma haine et mon mépris
Pour tous les vils trésors dont le monde est épris.

Oh! tandis que je vais fouillant l’ombre éternelle,
Si la Muse une fois me touchait de son aile!
Si ses mains avaient pris plaisir à marier
Sur mon front orgueilleux la rose et le laurier
Par lesquels le poëte est souvent plus qu’un homme,
Comme je tomberais à tes genoux! et comme
Je ne serais jaloux de personne et de rien,
Si tu disais : Mon fils, je suis content, c’est bien.

Car ce cœur fier que rien de bas ne peut séduire,
Ô père, est bien à toi, qui toujours as fait luire
Devant moi, comme un triple et merveilleux flambeau,
L’ardeur du bien, l’espoir du vrai, l’amour du beau!


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Verset À mon Père - Théodore de Banville