V.
Donc, les soldats français auront vu, jours infâmes!
Après Brune et Desaix, après ces grandes âmes
Que nous admirons tous,
Après Turenne, après Xaintraille, après Lahire,
Poulailler leur donner des drapeaux et leur dire
Je suis content de vous!
Ô drapeaux du passé, si beaux dans les histoires,
Drapeaux de tous nos preux et de toutes nos gloires,
Redoutés du fuyard,
Percés, troués, criblés, sans peur et sans reproche,
Vous qui dans vos lambeaux mêlez le sang de Hoche
Et le sang de Bayard,
Ô vieux drapeaux! sortez des tombes. des abîmes!
Sortez en foule, ailés de vos haillons sublimes,
Drapeaux éblouissants!
Comme un sinistre essaim qui sur l’horizon monte,
Sortez, venez, volez, sur toute cette honte
Accourez frémissants!
Délivrez nos soldats de ces bannières viles!
Vous qui chassiez les rois, vous qui preniez les villes,
Vous en qui l’âme croit,
Vous qui passiez les monts, les gouffres et les fleuves,
Drapeaux sous qui l’on meurt, chassez ces aigles neuves,
Drapeaux sous qui l’on boit!
Que nos tristes soldats fassent la différence!
Montrez-leur ce que c’est que les drapeaux de France,
Montrez vos sacrés plis
Qui flottaient sur le Rhin, sur la Meuse et la Sambre,
Et faites, ô drapeaux, auprès du Deux-Décembre
Frissonner Austerlitz!
Jersey, du 7 au 13 janvier 1853.